Libre et de bonne moeurs …?! 28 septembre, 2008
Posté par hiram3330 dans : Billevesees & coquecigrues , trackbackLibre et de bonne moeurs …?!
J’ai découvert cette expression il y a plus d’un quart de siècle … c’était au siècle dernier, et j’ose même avouer au millénaire précédant….. comme quoi je peux penser toucher, d’un bout de l’imagination, à l’immortalité partielle à ce souvenir .
La première fois, si ma mémoire est correcte ce fut en lecture que cette phrase vint heurter ma conscience, après s’être frottée à mes yeux, puis à mes pensées ; et oui il ne fut point question de transcendance ou d’immanence ….mais plus prosaïquement d’une étincelle de curiosité pour ces cinq mots accolés en une phase sibylline .
Combien de fois, depuis lors, ai-je pu revenir sur cette curiosité qui m’avait titillé, qui me titille encore et que j’ai entendu tant et tant de fois que je suis toujours surpris, encore surpris, de pouvoir hésiter sur son sens, son sens général et son sens pour moi …
Avec le temps, avec le temps oui tout s’en va … chante Léo Ferré ….. et bien malgré ma sensibilité à ce chanteur libertaire, à sa poésie parlée et chantée je ne suis pas d’accord, ce qui dans le fond me rassure et me ravit. Peut être ainsi ai-je l’impression de me sentir « libre » vis à vis de mes propres sentiments, par rapport à une globalité qui m’est pourtant agréable intellectuellement, s’agit-il là d’un exemple de « liberté » que je puis avoir … envers moi même en l’occurence ?
Libre !
Un beau mot, une belle idée, un beau concept, une belle … illusion également.
Mais je m’égare encore, déjà, toujours parce que cette « maxime » est étrange à mon regard, elle me taquine depuis … elle m’incite à la malaxer, la triturer, la presser pour tenter d’en tirer une compréhension acceptable à ma réflexion. Cette maxime d’où vient-elle ?
Si je ne m’abuse elle est issue d’un monde hors du temps et de l’espace mais dont l’architecture visible doit dater du XVIII° siècle européen ; et en ce temps là comment pouvaient être perçus ces mots par le commun des mortels, et par les autres itou ?
Libre et de bonnes moeurs …
Libre, c’est à dire non esclave, non lié à un autre par des attaches de soumissions légales en ce temps là … libre c’est à dire non serf, non femme également car la femme jusqu’à récemment était « mineure » légalement …. libre c’est à dire probablement aussi ayant certains moyens pécuniaires ….. libre c’est à dire affichant une foi réelle ou simulée envers la « religion officielle » de l’Etat.
Libre, aujourd’hui qu’est-ce à dire ? La liberté, son sens a évolué, avec la société, notamment la nôtre dite « développée » .. la liberté est devenue souvent, trop souvent, un étendard formel, utile à la bonne conscience, dissimulant la réalité des faits … et puis être libre pour la plupart aujourd’hui, dans les sociétés de consommation, c’est avoir l’accès au maximum de produits ….. quels qu’ils soient.
Libre c’est être inconscient des entraves de toutes sortes qui brident notre quotidien, pauvres ou riches ; c’est ne voir pas les menottes se resserrer sans cesse sur les minutes de notre vie, étouffer notre jugement objectif, nous forcer à aller dans un moule pré-établit et normalisé …
Quand aux moeurs, bonnes ou pas …. là aussi, elles évoluent, si je puis dire, avec la société qui les distille, les façonne, les adapte à son but multiforme unique .. point de possibilité de passer outre, guère de latitude car le moule des moeurs doit correspondre à celui de la liberté .. surveillée ….
Alors dans mon espace temps sans bornes je m’évade pour songer à cette association de deux termes si simples et complexes …
Libre et de bonnes moeurs. Baroque comme expression, guère usitée sauf peut être dans certains cénacles ouvert vers l’homme, clos vers l’apparence ; une association de deux concepts dont les sens sont incommensurables comme peuvent l’être les réflexions humaines, bonnes ou mauvaises, comme l’infini de l’imaginaire, comme l’insondable de chacun d’entre nous …
« Et » … la liaison des deux parts de la maxime est obligatoire si je comprends bien … l’une « et » l’autre condition indissociable.. pourquoi cette double impérativité ?
Dois-je en déduire que les deux concepts recouvrent une réalité similaire, une réalité que l’on doit trouver dans la profondeur de son être, là où nichent les sentiments, lumineux parfois, nébuleux parfois … ambivalent souvent. Cette plongée interne et intime est souvent effrayante, angoissante, inattendue de surprises sulfureuses, de surprises étincelantes, de surprises …. surprenantes toujours.
En tout état de cause la compréhension, éventuelle, de cette « maxime » est délicate, non pas tant en fonction de ce qu’on peut y percevoir, mais par le fait que nous sommes directement concerné nous même … là c’est plus pareil …..
On passe de la contemplation, de l’analyse, à l’introspection …. pas marrant du tout d’un coup. Le miroir est déformant ? Le miroir est embué ? Le miroir est piqueté de vilaines tâches de rouille …? Qu’elle idée ai-je eu d’aller me perdre dans cette phrase qui n’en est même pas une …. suis-je masochiste ? Suis-je inconscient ?
En fait, des fragments de temps passés à tenter de percer cette énigme, pour moi, m’ont doucement, imperceptiblement conduit à considérer qu’il ne s’agissait pas de liberté formelle, ni de bonnes moeurs formelles …. J’en suis arrivé, péniblement j’avoue, à ne voir dans ces trois mots associés qu’une globalité, certes un peu brumeuse, mais tout de même accessible .. en partie .. pour moi.
La libération doit être probablement celle que nous pouvons découvrir en nous, pour nous … celle qui ferait qu’une relative sérénité apaise nos angoisses physiques, psychiques et métaphysiques.Une acceptation de liens sociétaux, car nous vivons en « famille » comme une parcelle individuelle d’un corps multiforme, une perception lucide de nos entraves, celles que nous ne pouvons briser sous peine d’isolement létal, un premier pas sur le seuil d’un chemin vers notre propre centre de l’union intime …
J’en arrive à penser, ça m’arrive parfois .., que « libre et de bonnes moeurs » pourrait dissimuler la vision réelle de notre moi intime, celui qu’il est si difficile de regarder … plein de sables mouvant et d’îlots rieurs ; cette mosaïque où le noir justifie le blanc, où le blanc appelle le noir, où les deux (ensemble des couleurs et absence de couleurs) sont inséparables …. mais concurrent.
En effet la lutte est âpre, ardue entre nos tendances opposées et complémentaires .. mais notre devoir d’être humain est de ne jamais baisser les bras dans ce combat de tous les instants, et l’équilibre doit régner ici et là sous peine de chute en vrille abyssale d’où l’esprit, le corps également, ne peuvent sortir sans meurtrissures, sans brûlures, sans dégâts … irréparables en général.
Nous voilà donc en nous même en pensant être dans l’observation d’autrui … étrange détour qui n’en est pas un ; notre regard braqué sur l’autre est tourné en nous par l’effet miroir du regard rencontré. Boomerang ?
La « liberté » est en nous si nous arrivons à accepter de définir des limites à nos instincts « primitifs » et non « primaires », notre liberté ne peut, pour être une réalité vivante, que nous pousser et nous tirer sur le difficile chemin, cheminement de notre progression humaine, de notre possible perfectibilité, de notre éventuelle évolution vers plus de clarté, sinon de lumière.
« Les bonnes moeurs » quant à elles restent du domaine intangible de l’arbitraire de notre conscience qui sait, souvent, faire des entorses à ses propres balises, mouvantes, de notre vie.
En définitive cette série de mots ne doit elle pas dévoiler, en notre intériorité, un monde où fourmillent les étincelles que l’on peut observer, la nuit, en levant les yeux vers la voûte étoilée …
Cette « maxime », un peu obscure dans le fond, est probablement une des lueurs nécessaires à l’éclairage de notre sentier personnel, individuel et collectif ; elle attire notre attention, un peu, sur notre responsabilité propre qu’il faut assumer sans se leurrer sur nos faiblesses et nos forces …
Libre et de bonnes moeurs … reste une constante incontournable vers le beau, le bien, le bon ….. , la force de sa beauté nous amène vers la sagesse qui, si petite soit-elle, est une richesse de notre humanité fragile … et accompagne ses pas, nos pas vers la sérénité …
Chris
Septembre 6008
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LIBRE ET DE BONNES MŒURS texte daté du 16 mai 2005)
C’est en participant à la lecture de cette phrase du rituel où il est dit que les « ouvrier(e)s se lèvent et se remplacent » que j’ai rencontré cette autre phrase dont je ne sais pas exactement où elle se place dans l’évolution du candidat à l’initiation et/ou de l’initié.
Peu importe au fond. Cette phrase-là, comme toutes celles qui constituent le rituel où elles se mêlent à autant de gestes significatifs, est une étape sur un chemin dont je pense qu’il peut être abordé à tout moment et par d’innombrables entrées. Il me semble qu’un rituel est avant tout un moteur d’évolution. Aussi, quel que soit le geste (parole ou acte) par lequel il est abordé, la réflexion à partir de ce geste, quasiment choisi au hasard, doit conduire à la reconstitution complète du rituel, à son évolution et à son enrichissement. Si la forme d’un rituel me semble être plutôt structurée de manière sévère, il ne me semble pas possible que son fond ne soit pas le sujet et l’objet de profonds bouleversements. Si ce n’est pas le cas, cela signifie que l’univers est dogmatique, fixé et fixe, bref que la pensée n’est plus libre et que l’évolution est interdite. La plupart des religions que nous connaissons sont dans cette situation et c’est à cela, sans doute, que nous devons la prolifération des sectes que nous pouvons observer actuellement. La religion la plus ouverte, le bouddhisme, dont la méditation personnelle est l’instrument essentiel, en est tellement consciente qu’elle déconseille le mouvement afin d’éviter que le monde ne change tout en permettant à la réflexion de se développer sans entraves… et sans conséquences.
Mais revenons-en à cette déclaration d’être « libre et de bonnes mœurs ». Deux termes, en apparence parfaitement contradictoires. D’une part, la liberté, c’est-à-dire la propriété reconnue à tous les êtres de se déplacer sans aucun interdit dans les univers matériels, intellectuels et affectifs de leur choix. D’autre part, les bonnes mœurs, c’est-à-dire la reconnaissance de la qualité « d’être social » (où l’être n’est pas à confondre avec « être », le verbe de l’affirmation de soi). En fait, la première idée qui me vient en lisant cette affirmation, c’est une déclaration de responsabilité. La déclaration d’existence d’un individu, accompagnée du rappel de son appartenance au groupe. L’affirmation de son état d’être, indépendant de la loi « sociale » et capable de recréer en lui-même cette loi sociale, fruit alors de l’exercice de sa liberté individuelle. Il existe une transcendance de l’être qui fait qu’un être conscient ne peut, même dans sa plus profonde « rébellion », inventer un acte irrespectueux de l’autre, des autres, tout aussi êtres qu’il est. Une affirmation que bien que le progrès soit multiforme, il ne peut se développer sans la liberté, pour ne pas dire la licence, d’explorer tous les horizons et qu’il n’y a pas lieu de craindre la destruction du groupe sous les coups d’idées nouvelles et régressives. Un acte de foi en quelque sorte qui exprime la conviction profonde qu’en chacun de nous, Eros l’emportera toujours sur Thanatos. Cette hypothèse est fondatrice d’une conception particulière de l’humanité qui donne à l’être le pouvoir sur sa propre animalité sans en nier l’existence, l’influence et la réalité.
« Libre », je peux tout ; de « bonnes mœurs », je ne constitue pas, je ne constituerai jamais une quelconque menace ni pour moi-même, ni pour l’autre, ni pour le groupe (au sens même de l’espèce) auquel j’appartiens. Comme la justification la plus profonde, la plus génétique (elle me dépasse, elle est inhérente à l’espèce) de la licence de penser.
Je suis libre, je suis un, je suis un individu avec ma peau pour seule limitation de mon pouvoir physique, et avec l’univers comme champ de ma pensée. De bonnes mœurs, je suis capable de constituer le groupe, sans m’y fondre, sans m’y nier, sans y disparaître et pourtant en lui apportant toute ma richesse personnelle. Celle-ci est unique comme est unique l’apport de chacun et, conscient de mon existence, je puis recevoir ce don de la richesse de l’autre et des autres. Mon progrès sera le progrès du groupe, comme l’est le progrès de chacun et réciproquement, le progrès du groupe sera mon progrès comme le progrès de chacun.
Libre et de bonnes mœurs, est finalement ma déclaration d’appartenance, l’affirmation de « mon respect de moi » et de mon respect de l’autre, des autres. C’est aussi l’affirmation qu’il n’est pas d’être qui ne soit social. Les « bonnes mœurs » exprimant alors que je suis capable d’accepter la règle d’appartenance.
Soit dit en passant : à un moment où le groupe dépouille les individus de l’affirmation de leur être en inventant les « libertés publiques » toujours opposées à des « libertés individuelles », cette affirmation définitive d’une « qualité d’être » devient proprement subversive. Elle affiche une prétention à la gestion personnelle de la vie, une affirmation d’indépendance et de responsabilité de l’individu que notre système ne peut accepter sous peine de se détruire. Elle appartient à un univers où l’Etre est gestionnaire de l’Avoir et s’oppose donc à un monde où l’Avoir s’affirme comme la règle commune, l’Etre étant vécu comme une rébellion caractérisée.
« Libre et de bonnes mœurs », tout l’être est là. Comme si l’application d’une réflexion sur ces termes ne pouvait que conduire à la réinvention, d’abord, de ce qui fait une société d’êtres et, ensuite, de son devenir aussi bien proche que lointain. Reconnais-moi, reconnaissez-moi comme ton, votre frère, votre autre, complètement identique et pourtant totalement différent : comme chacun, véritablement unique et véritablement ton, votre, semblable au point de pouvoir se dire : »je suis une partie du Tout mais je suis le Tout partout où je suis. »
Dans un autre ordres d’idées, cela me fait penser aux équations de Maxwell : quatre expressions mathématiques qui contiennent la totalité de la théorie de l’électromagnétisme. Quatre lignes sur un tableau noir, une feuille de papier et des dizaines, des centaines d’heures à en développer toute la signification.
« Libre et de bonnes mœurs », la déclaration d’existence de l’humanité.