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LA CHUTE 16 octobre, 2008

Posté par hiram3330 dans : Apports , trackback

LA CHUTE

 

 

Alors que je marchais par une nuit sans lune pour rejoindre mon logis, je pris, pour gagner du temps, un chemin de traverse qui coupait un petit bois.

Ce chemin, je le connaissais pour l’avoir emprunté maintes fois à la lumière du jour, aussi, que la nuit fut si noire ne m’apparut pas comme un obstacle.

Comme je m’engageais entre les arbres silencieux ( pas un souffle de vent ) mon pied trébucha sur une souche mal placée que je ne pus éviter, et, avant que je puisse esquisser le moindre geste pour me retenir à la branche la plus proche, je me retrouvais, glissant dans un espèce de tunnel.

Telle Alice au Pays des Merveilles, je tombais sans fin.

Au bout de ce qui me sembla une éternité ( le Temps aime s’amuser à nos dépends ) j’atterris mollement et sans dommage dans un endroit fort obscur.

Cette caverne, enfin , je supposais qu’elle en fut, offrait un halo de lumière à son extrémité opposée.

Déroutée, ne voyant aucune autre alternative, je m’y dirigeais donc prudemment ( courageuse mais pas téméraire! ).

Hé oui! la lumière attire toujours ceux qui sont dans l’obscurité, même au risque de s’y brûler.

Cette lumière, qui de l’autre bout de la caverne m’avait semblé ténue et diffuse, devenait de plus en plus vive au fur et à mesure de mon approche, et, quand je crus enfin pouvoir atteindre mon but, elle devint si intolérable que je dus fermer les yeux et apposer mes mains sur mes paupières pour plus de sûreté.

Je ne savais définitivement plus où j’étais, les yeux clos, je ne pouvais que sentir une chaleur envelopper avec bienveillance mon corps, pour le réchauffer.

C’est curieux, mais je n’avais même pas remarqué que depuis que j’avais posé pied dans cet endroit, j’avais froid.

 

DAME LUNE

 

Une main fraîche se posa sur mon avant-bras, sans que la peur ne s’empare de mon âme, et, une voix féminine des plus agréable me susurra  :

- »Mettez donc ceci devant vos yeux, imprudente humaine! »

On saisit mes mains et on y déposa une paire de lunettes que je m’empressais de porter à mes yeux que je me risquais à ouvrir.

Et là!!

Oui, là!!

Ce que je vis me coupa le souffle.

Dame Lune me souriait et derrière elle, assis à une table bien garnie, Messire Soleil, me faisait un petit signe de la main.

Je pris conscience que j’interrompais un dîner d’amoureux, et je comprenais pourquoi dehors la nuit était si noire, Dame Lune était en galante compagnie.!

Elle se tenait là, devant moi, radieuse de féminité comme toute femme amoureuse, dans une robe couleur d’argent que Messire Soleil faisait doucement miroiter.

Elle avait les yeux couleur de Lac Sans Fond, les cheveux ramassés en étoiles filantes, les mains diaphanes aux doigts fuselés.

Ses pieds étaient dansants et son nez bien plus long que celui de Cléopâtre.

Elle n’inspirait ni peur, ni timidité, ni familiarité déplacée non  plus.

Modeste, elle irradiait dans tout l’éclat de sa froide beauté.

Comme Dame Lune est belle et féminine!!!

Elle, si pure, si froide aussi, représente à nos yeux, à la fois
la Mère,
la Fille et
la Femme chérie. Elle est Marie, l’Immaculée Conception pour les Chrétiens.

Bref , elle est le principe féminin.

En la voyant, je pensais à tout ce que je savais sur elle.

Dire que certaines religions et mythologies lui prêtent le sexe d’un homme!!!

A Ur, elle était Sin un vieillard barbu, en Egypte, elle était Thot, au Japon Touki-Yomi l’époux de Amaterasu. Dans la tradition juive elle est le peuple des Hébreux. Elle est encore masculine dans tout le monde sémitique du sud.

Moi, je la préfère dans sa forme féminine, mystérieuse, sombre parfois, froide et humide.

Par ses changements de forme (tantôt ronde, tantôt croissant) et de position dans le ciel elle représente l’inconstance et le changement: ne dit-on pas d’une personne à l’humeur changeante qu’elle est lunatique?

Mais, ce qui nous rassure c’est que cette inconstance est cyclique, tous les 28 jours le cycle de
la Lune comme celui de la femme, recommence. Elle est donc aussi, le symbole des rythmes biologiques, du renouvellement, de la transformation.

Immortelle, après chaque absence (ou Lune Noire) elle nous revient , symbole du passage de la vie à la mort et de la mort à la vie, renouvellement, transformation, elle accompagne les initiations.

Elle est symbole de résurrection, avec la « nouvelle lune ».

Chez les hindous et dans le bouddhisme le Nirvana est représenté par une lune d’une blancheur immaculée se détachant dans un ciel nocturne sans nuage.

Chez les musulmans, le croissant de lune, fréquent sur leurs drapeaux est aussi symbole de résurrection

Certains peuples pensent qu’elle est le lieu de passage ou même le lieu de séjour des immortels privilégiés ( souverains, héros..).

Elle contrôle le destin des hommes, comme elle régule les marées, la pluie, les saisons, la vie.

Son symbolisme se rattache aussi à celui du cercle, il implique achèvement et plénitude et j’en suis ravie étant femme moi-même !

Femme, elle aussi, fertilité, fécondité, dépendance, réceptivité, passivité, lui sont associés.

Elle se tenait prés de moi, si charmante, que je voulais oublier les côtés négatifs qu’on pouvait lui attribuer.

Les Samoyèdes (mongols de la région des cours inférieurs de l’Ob) disent qu’elle est l’œil mauvais de Num ( dont le Soleil serait le bon ) et les Mayas la voient, sous le nom de Ixchel, comme le côté négatif du dieu solaire Kinich.

« Noire », elle est la solitude, le vide absolu, la voie dangereuse qui peut conduire au centre lumineux de l’Etre, à l’Unité.

D’un geste ample elle m’invita à me rapprocher de la table et me pria de m’asseoir à leurs côtés, tout en me rassurant.

 » oui! Je pouvais approcher de Messire Soleil à condition de ne point le regarder trop longtemps dans les yeux, privilège accordé seulement aux aigles.

Ce faisant elle chassa la chouette qui occupait le dossier de la chaise qu’elle me destinait. La chouette manifesta son mécontentement en battant copieusement des ailes et en roulant des yeux furibonds à mon intention.

Sans le vouloir je cherchais du regard, alentours, un lapin, un crapaud ou un loup, autres animaux habituellement associés à Dame Lune

 

MESSIRE SOLEIL

 

Avant de m’asseoir, par prudence, je fis une petite révérence à l’intention de Messire Soleil, qui me rendit ma politesse par un petit hochement de tête que son statut de Dieu rendait royal.

Pour une fois, moi si bavarde, je ne disais mot.

J’essayais de cerner son humeur du moment.

M’accorderait-il de regagner le monde des vivants sans dommages au lever du jour tel un hierophante initiatique ou bien me garderait-il pour toujours sous terre tel un psychopompe meurtrier?

Son regard (n’est-il pas le bon œil de Num?) me fouillait, et, comme je savais qu’il avait le pouvoir de rendre visible ce qui est caché je craignais qu’il ne devine mes sentiments mitigés à son égard.

On dit de lui qu’il est « l’œil qui voit tout dont les flammes sont celles du jugement », dans ce cas, si son jugement est impartial il ne devait pas ignorer sa part d’ombre.

En lisant en moi comme dans un livre ouvert, il voyait sûrement que je savais mettre en balance son côté destructeur ( quand il brûle et tue par sa chaleur) avec son côté bienfaiteur ( quand il amène la chaleur qui porte les moissons à maturité, quand il réchauffe doucement pour maintenir la vie).

J’étais donc là, assise au bout du bout de ma chaise, effrayée de me trouver assise à la même table que celui que les chrétiens ont associé au Christ ( que l’on nommait aussi le Soleil Invincible, ou le Soleil de Justice, ou le Soleil de Vérité),celui que les Hindous imaginent comme représentant la porte du Monde, Le Lieu de passage pour ceux qui savent, une barrière pour les ignorants.

Cet invincible, brillantissime Dieu mangeait , à poignées, des graines de tournesol grillées qu’il piochait dans une coupelle d’or. Il m’en proposa et je m’empressais d’accepter, même si j’avais davantage soif que faim.

«  Ne vous inquiétez pas jeune mortelle, à l’aurore je vous prendrais sur mon char et je vous ramènerai chez les vôtres sans être vus ; mon aigle, en éclaireur, nous ouvrira le chemin, et mon lion nous escortera faisant fuir les éventuels curieux. »

Ces paroles rassurantes pour mon avenir immédiat, comme par miracle, me firent renaître et du coup, je m’installais bien plus confortablement sur mon siège.

« Dans l’immédiat, puisque je crois savoir que vous avez soif ( il me fit un petit clin d’œil digne d’une éclipse partielle) , tenez, buvez à ce verre que j’avais préparé pour mon Aimée ! Mais attention, après y avoir trempé vos lèvres, vous ne serrez plus la même, car tel l’Ambroisie des Dieux de l’Olympe ce breuvage rend immortel.  Il vous apportera également la connaissance immédiate, intuitive, et le pouvoir de lire l’avenir »

J’en restais sans voix ( il est vrai que je n’avais pas encore bu et que ma gorge sèche n’incitait pas à la dialectique).

Alors Dame Lune, ne voulant pas paraître moins généreuse que son amant, jeta dans mon verre un nuage d’étoiles pilées et ajouta.

«  Et par cette poudre de ma composition tu acquerras l’intelligence spéculative, rationnelle, et, tu pourras revoir les images du passé. 

Toute à mon émotion, mon désir de boire l’emporta sur la prudence, et sans même prendre le temps de les remercier l’un et l’autre pour tant de générosité à mon endroit, je vidais le verre d’un seul trait.

Alea jacta est !

 

EPILOGUE

 

Ce qu’il advint par la suite ? je n’en garde aucun souvenir malgré ce pouvoir de relire le passé. Je soupçonne Madame Lune d’avoir pratiqué une censure.

Je me réveillais à mon logis, dans mon lit, épuisée.

Mon premier mouvement, fut de croire que tout cela n’avait été qu’un rêve, mais, lorsque mon mari poussa un cri de surprise à la vue de mon superbronzage des plus incongru après une nuit de sommeil, je réalisais que j’allais avoir du mal à expliquer certaines choses !

Comment lui dire sans passer pour folle que j’avais passé plusieurs heures au plus prés de Messire Soleil ! ! !

Puis-je lire l’avenir ?

Relire le passé ?

Suis-je devenue un super génie aux connaissances illimités ?

Je ne vous conterai rien de plus.

J’ai en tout cas acquis suffisamment de sagesse pour savoir qu’il est souvent plus prudent de ne pas divulguer des capacités qui dépassent l’entendement, et , que la modestie et le secret protègent de l’envie.

Je peux juste vous glisser un secret.

Il ne sert à rien de perdre son temps et son énergie à comparer et opposer
la Lune et le Soleil. Tout deux forment un couple complémentaire et harmonieux. Ils ne peuvent se passer l’un de l’autre, et leur passion est à la mesure de leur vie, éternelle ! ! ! !

Maliciacobs

15 octobre 2008 

soleillune.jpg

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