De Léo Campion, 16 septembre, 2018
Posté par hiram3330 dans : Apports,Billevesees & coquecigrues , trackbackDe Léo Campion,
Illustre trente-troisième, anarchiste, mécréant… mais aussi Sérénissime Grand Maître de la Confrérie des Chevaliers du Taste-Fesses, Régent du Collège de Pataphysique, Gran Fécial Consort de l’Ordre de la Grande Gidouille…, fondateur de cette Science d’autant plus fondamental qu’elle traite du fondement de l’humain : la Pygognomonie » du Grec « pugê » – fesse, derrière, croupion… – et « gnôme » – connaissance -, c’est-à-dire « l’étude du caractère et des dispositions des individus d’après la forme, l’aspect et la consistance de leur postérieur
Sonnet pieusement gastronomique
Au cours de nos agapes
Arrosons en gourmets
Les meilleurs de nos mets
De Château-neuf du Pape.
Ce vin du Vatican,
Que chacun s’en souvienne,
Convient surtout quant
Aux nouilles italiennes.
Apportons ici-bas
Tous nos soins à ce plat
En pieux sujets du Pape.
Car quoi donc ne ferait
Et que n’a-t-on fait
Pour les nouilles du pape ?
In Sonnets, in A toutes fins inutiles, poèmes facétieux
***
Ballade civique
T’as pas le sou et t’as faim, mon gars ? c’est légal ;
Mais alors bouffe pas, ce serait illégal.
Tâches de ne pas être vagabond. C’est louche
Un vagabond ; on ne sait pas où ce que ça couche…
Fais du commerce. Deviens gros propriétaires.
Tout le monde ne peut pas être prolétaire ;
Fais-toi plutôt banquier, mon gars, ça c’est légal.
Prends pas la femme d’un autre, c’est illégal ;
L’amour, faut pas croire que c’est toujours légal.
Par ici une femme on peut en avoir qu’une
Et c’est pour toute la vie chacun sa chacune,
L’épouse à son mari, son corps est pas à elle ;
Mais la loi qu’est bête elle n’est pas toujours pareille
Et la polygamie qu’est en France illégale,
Eh ben ! en Afrique française elle est légale.
Zigouiller ton prochain, mon gars, c’est illégal ;
Mais il te faut faire la guerre, c’est légal.
Pourquoi que tu serais un assassin vulgaire
Quand à toi s’offre la carrière militaire ?
Travailles pas à ton compte, en amateur,
Fais-toi professionnel : marin ou aviateur ;
Tu pisseras pas dans la rue, c’est illégal,
Mais tu bombarderas les civils, c’est légal.
Fais des gosses, c’est tout ce qu’y a de légal,
Mais les évite pas, mon gars, c’est illégal ;
Même si tu peux pas leur donner à croûter.
Selon les pays, on peut t’électrocuter,
Te couper le cou, t’envoyer en Sibérie,
Chez les fous, au bagne, aux îles Lipari,
Ou te pendre. T’as le choix. Tout ça, c’est légal.
Mais te promène pas à poils, c’est illégal.
En un mot comme en mille, je te le répète,
Sois un bon citoyen, régulier et honnête,
Paye tes contributions, salue le drapeau,
Quand tu rencontreras un curé, ôtes ton chapeau ;
A part ça, mon gars, du moment que c’est légal,
Sois salaud tant que tu veux, ça leur est égal.
***
Envoi madrigaleux
Je vous veux saluer, madame, mais comment ?
Je pourrais lever mon chapeau, simplement ;
Mais comme vous voyez, je n’en porte jamais.
Je pourrais saluer de manière pratique
En clignant de l’œil comme si je vous aimais ;
Je vous respecte trop ! J’ai pour la politique
Une sainte aversion et ni le bras levé
Ni le poing fermé ne peuvent me convenir.
Je pourrais m’incliner et puis me relever,
Mais je cesserais alors, cruel souvenir,
Pendant un court instant, de voir votre visage,
Votre regard pur et votre boucle angélique ;
Aussi souffrez, madame, que sans plus d’ambages,
Je vous destine un rigide salut phallique.
***
Pensées funèbres
À quoi pensent les braves gens
Qui suivent les enterrements
En affichant avec constance
Une gueule de circonstance ?
Les héritiers, la larme à l’œil,
Pensent à leur part d’héritage.
Les dames qui portent le deuil
Pensent que le noir avantage.
Pour ne pas être pris de court
Celui qui va faire un discours
Vantant du défunt le notoire
Pense à épater l’auditoire.
Pour faire entrer des picaillons
Le curé pense augmenter vite
Le prix du coup de goupillon
Vu la hausse de l’eau bénite.
Le matuvu met tout son art
A avoir assez de retard
Pour qu’on remarque sa présence
Et pense à soigner sa prestance.
L’avare pense à ses écus.
Le cocu pense à ses déboires.
Le noceur pense à un beau cul.
Le croque-mort pense au pourboire.
Les chevaux du corbillard, eux,
Pensent que tout est pour le mieux
Pour eux, chevaux-vapeur tranquilles
D’un corbillard automobile.
Ceux dont le chagrin n’est pas feint
Pleurent comme une vraie greluche
En pensant à leur cher défunt
Qui d’ores et déjà trébuche
Parmi les bonnes intentions
Dont l’enfer est pavé, dit-on.
Quand au mort, la question se pose,
Le mort pense-t-il quelque chose ?
Ce n’est pas lui qui le dira ;
Patience : qui mourra verra…
***
De F.M. Robert Dutertre, maçon du XIXème siècle
Les grenouilles de bénitier et les crapauds de sacristie
Friandes d’eau bénite, auprès des bénitiers,
On entend coasser d’insipides grenouilles
Qui débauchaient jadis, en guignant leurs dépouilles
De jeunes batraciens sous les ombreux sentiers.
Aujourd’hui qu’elles ont une face ridée
Et que tous leurs amours se sont bien refroidis.
Elles n’ont qu’une envie et qu’une seule idée,
C’est d’aller coasser aux lacs du paradis.
Quelques êtres grincheux, jésuites malins,
Sans avoir aucun droit et sans le moindre titre,
Se faufilant partout par leurs airs patelins,
Prétendaient diriger l’évêque et son chapitre.
Or, le bon peuple hait l’œuvre de Loyola,
Mais il veut qu’on respecte et le culte et l’hostie
Et, sachant venimeux tous ces batraciens-là,
Il les a surnommés crapauds de sacristie.
***
De moi-même
La solitude
La solitude, c’est…
Une blessure faite à la vie parce qu’elle est blessure et souffrance d’une vie
Un ici qui est toujours ailleurs, autrement dit nulle part
Un maintenant qui est toujours plus tard, une autre fois, c’est-à-dire jamais
Une prison dans les barreaux sont l’absence de l’autre
Une main désespérément tendue à travers la froidure d’une nuit sans lendemain
Et qui reste tragiquement ballante
Comme un pantin désarticulé
Ou bien
Que l’on retire
De cette étreinte du vide
Broyée, écrasée, meurtrie
Par celles/ceux qui ne s’en étaient saisis
Que pour mieux s’en servir
Et la rejeter leur besoin satisfait
Le silence comme seul écho aux cris que l’on lance
Et qui restent muets
Parce nul mot ne peut dire l’indicible
Une larme qui sèche au coin d’un œil aveuglé de ne plus voir
Une gare fantôme où l’on attend sur un quai vide un train qui ne viendra jamais
Parce qu’il n’est jamais parti
Le mal-être de trouver tant de sens dans la vie
Et de ne plus en trouver
Ou du moins en ressentir
Dans sa propre vie
Une page qui reste blanche parce qu’elle porte le deuil d’une histoire à inventer
Un puits sans fond
Dans lequel on a été jeté
Après avoir été expulsé de la mémoire des autres
Un chemin que l’on suit
En se demandant bien pourquoi
Et cette terrible envie qui colle au ventre
De s’arrêter
Là
Au bord de ce chemin sans fin
Pour regarder passer le temps
Pour s’écouter mourir de ce que l’on ne sait pas/plus être
La solitude c’est encore
Une plage qui n’est pas une plage mais un désert
Puisque la mer s’en est allée vers d’autres rives
Un champ qui n’est que de ruines
Et dont les seules moissons sont ceux de la peine
De l’amertume
De la colère
De la révolte
C’est un drapeau que l’on brandit sur une barricade
Qui n’est pas à défendre
Puisque personne ne veut la prendre
C’est une vie
Qui
Comme une cigarette
Doit être jetée avant la fin
Pour ne pas se brûler les doigts
C’est un cercueil éventré
Jeté aux milieux d’immondices
Et qui reste vide
Lui aussi
Car pour mourir
L’un a encore besoin de l’autre
C’est une vie qui n’est pas la vie
Une mort qui n’est pas la mort
C’est une attente
Attente de la vie
Attente de la mort
C’est l’ivresse des illusions
De ces illusions qui bercent l’intelligence
De la naïveté de croire aux beaux mots que disent les autres
Pour mieux vous abuser
Pour mieux vous détruire
Pour mieux vous anéantir
Pour mieux vous aliéner de votre seule richesse
Votre humaine individualité
Ces mots qui sonnent
Amitié
Loyauté
Amour
Partage
Générosité
Honnêteté
Franchise
Bref tous ces leurres qu’on agitent sous vos yeux
Dans le creux de votre cœur
Pour que la raison endormie
Vous ne soyez même plus victime de qui/que ce soit
N’étant plus
Rien
La solitude c’est aussi
Le rêve qui prend le pas sur le réel
Et qui vous affuble des oripeaux grotesques d’un Don Quichotte
Sans horizon
Ni même le moindre moulin à combattre
Et
Bien sûr
Sans aucune Dulcinée
C’est une vigne qui ne donne plus de vin
Mais du sang
Celui de votre vie
Qui vous fuit
C’est un cœur
Qui ne cesse de battre la démesure d’un temps qui n’en finit pas de s’étirer
C’est un murmure qui hante les couloirs de la mémoire
Un murmure dont on ne sait plus s’il est question ou réponse
Tant
Inlassablement répété
Il n’est plus son
Mais bruit
Bruit d’une fureur
D’une fureur qui n’est pas celle de la vie
Mais de la mort
Cette mort
Que l’on attend
Que l’on guette
Que l’on appelle
Que l’on espère
Que l’on veut souvent précipiter
Puisqu’elle est la seule rencontre
Que l’on puisse faire
Dans
La
SOLITUDE
6 juillet 2001
Sans titre
Le soleil doit sûrement briller dans le ciel d’azur
Pourtant
Je ne le vois pas
Parce que je suis aveugle
Pas vraiment aveugle de cécité
Juste que mes yeux ne voient plus dehors
Mais dedans
Et qu’en moi ils ne voient que le silence et l’obscurité de ce vide infini
Qui est moi
En moi
Comment cela est-il arrivé
Je ne le sais pas vraiment
Ce que je sais seulement c’est qu’un jour
Le bruit et la fureur de la vie ont cessé de parvenir à mes oreilles
Qu’un peu plus tard
J’ai perdu le goût du sel de la vie
Que quelque temps après je n’ai plus senti les caresses du vent sur ma peau
Ainsi
J’ai perdu le sens de mes sens
Parce que j’ai perdu le sens de ma vie
C’est pourquoi
Je peuple le silence et l’obscurité de ce vide qui est en moi
De souvenirs
De souvenirs dont je bois la beauté
Non pas tant pour me rafraîchir
Que pour me nourrir de vie
De cette vie que je n’ai plus
En moi
Toutefois mes efforts restent vains
Comment apaiser cette faim de vie
Quand je n’ai que quelques miettes de beauté à lui donner
Ma vie est donc un vide
Qui
En même temps
Est un plein
Un plein de manque
Et de quelques absences aussi
Le soleil luit sans doute
Mais je ne le vois pas
Je ne vois plus rien d’autre
Que cette apparence de moi
Qui est déjà un non-moi
Un paraître et non plus un être
Celui de la simple survie
3 août 2001
Anamour
Vous que je connais pas
Qui ne me connaissez pas
Qui êtes ici ou ailleurs
D’aujourd’hui
D’hier
Ou de demain
De partout comme de nulle part
De chair et de sang
De mots et de musique
De signes et d’expressions
De joies et de bonheur
Comme de peines et de tristesse
De plaisir parfois
De souffrances souvent
De rires et de pleurs
De mains tendues et toujours
En définitive
Serrées bien fort par d’autres mains
De murmures et de hurlements
Noir(e)s comme votre drapeau qui calque au vent
Et qui fait peur parce qu’il est
Promesse
De révolte contre toutes les injustices
Toutes les inégalités
Toutes les oppressions
Toutes les répressions
Toutes les misères
Filles et fils de la liberté
En ayant toujours à cœur que votre liberté soit toujours et d’abord celle des autres
De courage
Ce courage qui vous fait assumer votre peur
Debout
Toujours debout
Quand tant d’autres se plaisent à se coucher
Du partage
De la solidarité
De la fraternité
Les amant(e)s passionné(e)s
Et passionnant(e)s
De l’humanité
Cette humanité qui est votre seule
Condition
La seule prison
Dans laquelle
Librement
Vous vous êtes enfermé(e)s
Pour résister
Au cannibalisme de l’ordre
De tous les ordres
Et pour laquelle vous êtes prêt(e)s à mourir
Afin que d’autres puissent continuer de vivre
Et de rester humain(e)s
Oui
Vous
Je vous aime
Parce que de vous aimer
Me permet de
M’aimer
13 février 2002
Sans titre
Il pleut
Des rires étranglés
Des sourires désappris
Des joies perdues
Un bonheur exilé de tous les possibles
Des rêves gangrenés du nécessaire réveil
Des sommeils galvaudés dans des lits de fatigue
Des larmes qui sont comme des couteaux plantés dans l’œil
Des jours sans nuit et des nuits sans jour
Du sang giclant de cette plaie béante qui ne se fermera jamais
La naissance
Des lumières obscures sondant le gouffre de la mémoire
Des nuages promenant leur ennui sur les remparts d’un horizon inaccessible
Des étoiles bruissant de tristesse
Des hurlements brisant les chaînes de la raison
Des blessures nées de l’union malheureuse de l’illusion et du mensonge
Des silences lourds de moissons qui ne seront jamais faites
Le poison visqueux d’une histoire sans fin
Des souvenirs transis du froid de la solitude
Une souffrance qui colle à la peau
Il pleut
Des mots
Des mots de révolte
De désespoir
D’amertume
De chagrin
De mélancolie
Il pleut
Des mots
Et
Seul
Je regarde cette pluie de mots
S’évanouir
Inutilement
Dans le désert de ma solitude
10 juillet 2001
Extrait du site : hiram online.com
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