HOMO CONFINUS 28 octobre, 2020
Posté par hiram3330 dans : Apports , trackbackJ’avais écrit cette petite nouvelle le premier jour du confinement.
C’était pour le site internet de Cultura.
C’était en Mars 2020.
Cela m’a pris en tout et pour tout 10 mn, en rédigeant tout d’un jet.
J’étais partie de la phrase « Ils avaient dit que cela allait durer 3 semaines, c’était il y a 3 ans »…
A l’époque officiellement cela devait durer un temps court. J’ai senti venir le truc…
Donc je vous la remets pour le plaisir des neurones avec une illustration d’un de mes auteurs préféré SCHUITTEN.
HOMO CONFINUS
par
Bernard WERBER
Ils avaient dit que cela allait durer trois semaines.
C’était il y a trois ans.
Et puis tout le monde avait fini par s’habituer à vivre confiné chez soi.
En fait l’être humain s’adapte à tout.
On était passé de l’homo sapiens à l’homo confinus.
L’homme préhistorique était sorti de la caverne pour se répandre sur toute la planète, puis se retrouver confiné dans son salon où il avait trouvé toutes solutions à sa survie : le divan, la télévision, la télécommande, l’ordinateur, le smartphone, les conserves, les surgelés, le micro-onde. Le renouvellement était assuré par une distribution effectuée par drones.
Cependant le virus s’avérait de moins en moins « une simple grippe », et de plus en plus un « truc compliqué » incompréhensible qui n’arrêtait pas d’évoluer.
Et le nombre de morts continuait d’augmenter.
Il y avait en outre des émeutes dans certains quartiers car les pauvres attaquaient les épiceries et les pharmacies.
Il fallait en venir à des mesures encore plus drastiques.
Alors le gouvernement décida de passer au stade suivant et ce fut le plan qu’il nomma le C.R.S. pour « CONFINEMENT REPUBLICAIN SECURISE ».
Trois mots qui en soi étaient plutôt rassurants mais qui signifiaient l’installation d’une vie souterraine.
Au début ce ne furent que les lignes de métro qui furent réquisitionnées. On les nettoya, les désinfecta puis on installa des habitations dans les couloirs.
Ce qu’on nommait habitation était en fait une sorte de petite maison de plastique de forme ronde qui comprenait deux chambres, un salon avec télévision, une cuisine, une salle de bains.
Les médecins pensaient que l’absence de lumière du jour allait déprimer les gens mais ce ne fut point le cas car on installa des fausses fenêtres écran vidéo qui projetaient en permanence des visions de ciel, de montagnes, de jardins, de forêts.
Quant aux entrées et sorties du métro elles furent scellées afin que plus personne ne tente de remonter à la surface.
Ainsi trois ans après le début de la crise toute l’humanité se mit à vivre sous terre ce que certains appelaient le « TAUPE NIVEAU ».
Enfin les gouvernants pouvaient tout contrôler, enfin on parvint grâce à la vie sous terre au 100% de confinement auquel on n’était jamais arrivé jusque-là.
Cependant 8 milliards d’humains installés dans des lignes de métro de grande mégapole, c’était difficile à gérer. Il fallut donc une stratégie mondiale. Les habitations, désormais nommées « loges », étaient espacées par des couloirs qui les reliaient.
Les stations de métro servaient de places publiques où se trouvaient les sources de nourriture et de médicaments.
Là encore l’adaptation se fit plus facilement que ne le pensaient les politiciens. Les gens s’habituaient à voir par leur fenêtre virtuelle des plages de cocotiers qui suffisaient à les combler.
Ainsi peu à peu s’harmonisait l’installation d’une nouvelle humanité sous terre, une humanité à son « taupe niveau ».
Quand ce stade fut enfin bien intégré, alors seulement les effets du virus commencèrent à décroître. Comme si le monstre avait enfin obtenu ce qu’il souhaitait : qu’on se cache.
La nouvelle humanité étonnamment ne vivait pas trop mal sa nouvelle place sous terre. Des foreuses à large diamètre permirent de créer de nouvelles galeries en dehors de celles du métro.
Cela permit d’établir des loges plus spacieuses.
Quant à la vie en surface, eh bien l’homme s’étant absenté, la faune et la flore sauvages reprirent naturellement leurs droits.
On pouvait les apercevoir grâce aux nombreux périscopes.
Il y avait des chevaux qui galopaient librement, des hordes de chiens se comportant comme des hordes de loups, des loups, des ours, des chats sauvages, des lynx. Les pigeons, qui étaient jadis les oiseaux les plus répandus, étaient concurrencés par des milliers d’espèces inconnues aux formes et aux chants surprenants. Les jardins s’étaient transformés en forêts aux végétaux beaucoup plus diversifiés. Les océans, voyant leur niveau d’acidité baisser, avaient permis l’apparition de plus d’espèces de poissons. Les barrières de corail s’étaient reformées. La température avait baissé, permettant la réapparition de la calotte polaire. Les ours blancs survivants avaient pu se reproduire.
L’humanité avait enfin muté, mais ce n’était pas du tout de la manière dont les scientifiques s’y attendaient. Elle n’était pas plus heureuse, ou plus malheureuse, elle avait découvert avec la crise, que sa vraie place n’était pas au-dessus mais en dessous de l’épiderme de sa planète.
SITE de Bernard WERBER : http://www.bernardwerber.com/blog/index.php?annee=2020
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